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Devant ma porte il y’a un trottoir. De l’autre côté, il y a le « Trottoir d’en face ». J’ai passé ma vie à regarder de l’autre côté. J’ai vu la vie le long de ce trottoir. Je vois la mort doucement poser son fard sur les vieilles vitrines. En face de chez moi, une large vitrine fermée depuis plus de vingt ans offre son verre terne à la pisse des chiens, à l’abri des SDF et à l’affichage sauvage. On peut se plaindre de la mort des centres villes, pourtant cet affichage est là. Sur la vitrine, se superposent vingt années d’événements tout aussi improbables que prévisibles. C’est ça « Le trottoir d’en face ». C’est la vie telle qu’elle est, ni plus, ni moins. Cette vitrine que certains voient vide, fermée, livrée à des colleurs d’affiche, preuve morte d’une époque disparue, « le trottoir d’en face » lui, y voit la trace d’un foisonnement. Cet emplacement mort porte toutes les traces de la vie. L’inspiration est là, dans tout ce qui fait ce trottoir, le panneau d’affichage du plus grand théâtre ordinaire. Je les revois les huit potes, dans mon bistrot, se laissant mitrailler d’autant de noms de groupe qu’il y avait de clients, jusqu’à ce que l’un d’eux prononce cette phrase: « venez, on va sur le trottoir d’en face ». Une bande de copains réunie autour de la musique depuis plus de dix ans. Ils sont bons les mecs. Inspirés par tout mais imprégnés de rien, leur musique mélange des sons et des rythmes divers. C’est une phrase bateau mais moi ça me chaloupe. Du garage à pépé, au Zénith de PAU, en passant par les « Franco », ils ont 240 ans à eux huit et des centaines de concerts dans les pinces. Des vieux clous dans les planches ! Les voir est une expérience, les écouter en est une aussi. Leurs chansons... C’est pas banal. Leur truc c’est...comment dire...de la Poésique. Leurs compositions, co-écrites par les frères Cyril et Benoit Crabos, sont à écouter car elles cachent bien des choses. Des ballades abritent les sujets et les mots les plus durs. Les morceaux rageurs peuvent cracher les plus beaux mots d’amour. C’est comme un « Multiplex ». Différentes ambiances au même moment. Des chansons comme « Sieste à Londres » ou « Les châteaux d’enfants » s’emparent de sujets, grave pour l’une, brulant pour l’autre. Mais c’est sous couvert de mélodies entêtantes que les deux frangins et le trottoir d’en face déroulent leur tapis soyeux assemblé de pavés. « Montana » est sûrement celle qui décrit le mieux cette « poésique ». Cette fameuse ballade avec des mots qui paraissent si doux ou désuets mais qui appellent à la révolution. Ne pas tout délivrer. Fondre les mots dans la musique sans donner de leçon. Laisser ceux qui voudront, s’emparer de la chose. Certains ni verront rien, moi je vois et j’entends un groupe à la recherche d’une certaine esthétique mais bien vivant dans son présent. Une esthétique propre, soignée, mélange de folk de rock et de western, faites d’acier et de chair, comme une et un « Mustang » qui roule et qui se cabre. Ah les salauds! Ils me font du bien. Je dis souvent que j’ai fait mes plus beaux voyages autour de mon comptoir. Celui-là en est un. Des jeunes gars m’ont fait traverser la rue et la couche d’affiche comme on fait traverser un aveugle. Je marche et je rêve les yeux ouverts sans bouger de ma place. Que dis-je, je ne marche pas sur « Le trottoir d’en face ». C’est lui qui roule sous mes pieds, comme ces longs tapis mécaniques que l’on trouve dans les aéroports. Ceux qui vous transportent plus vite vers le voyage.

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